# Reportage

Vis ma vie de bêta-testeur

« Allô?
– Bonjour monsieur! Comme vous vous étiez inscrit comme volontaire, seriez-vous disponible pour venir dans nos locaux tester un nouveau jeu en qualité de bêta testeur?
– Euh… ben oui pourquoi pas! Et ça consiste en quoi?
– Laissez-moi donc vous expliquez en quelques mots…. »

Je me souviens quand j’étais petit, je rêvais de devenir testeur de jeu vidéo. Un doux rêve que je caressais depuis le temps où je parcourais de long et en large les revues spécialisées de jeu vidéo. Par contre, être bêta testeur de jeu vidéo, voilà qui est inédit. Totalement méconnu du grand public, c’est au cours d’un passage de trois jour comme bêta testeur de jeu vidéo que je me suis vite aperçu qu’il s’agit d’un métier trop souvent décrié à tort…

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Gameslab: le labo des rêveurs?

Contacté par téléphone, c’est au sein de Gameslab aux portes de Montreuil que je fus convié pour une session de trois jours « Playtest » sur un jeu vidéo. Auparavant, je m’étais inscrit comme volontaire pour participer à des bêta tests. Pour la petite histoire, Gameslab est une cellule de la société Ubisoft : il s’agit d’un département spécialisé dans les tests des jeux du catalogue de l’éditeur. C’est dans ces locaux que passeront au crible la plupart des jeux Ubisoft afin d’être décryptés, analysés et corrigés avant d’arriver dans nos rayons dans leurs versions finales. Une tâche plus ardue qu’on ne pourrait le croire. Explication.

En général, lorsqu’il s’agit de jeu vidéo, on se dit qu’être un bêta-testeur de jeu vidéo c’est tout simplement le job de rêve et qu’en fait on est juste payé pour jouer. La vérité est en fait ailleurs. Ainsi, lorsque l’on arrive chez Gameslab, on est surtout surpris par le côté « hospitalier » des lieux: peu de fioriture, quelques images des productions phares de l’éditeur, quelques jeux dans un présentoir , une corbeille de fruits histoire de vous rassasier. Pas de TV, de babyfoot ou même de consoles de jeu vidéo pour se distraire: non, il est clair qu’on est ici pour travailler!

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Chut! On bosse!

Dès mon arrivée, je suis accueilli par un coordinateur qui me présente à d’autres bêta-testeurs également venus pour l’occasion. Une fois les groupes constitués, nous voici répartis dans différentes salles où nous attendent consoles et jeux. Dès lors, notre coordinateur nous annonce sur quel jeu le playtest se déroulera (note: l’information ne nous est dévoilée que sur place pour des raisons de confidentialités) et nous fait remplir une charte de confidentialité de l’ensemble des informations à ne pas divulguer concernant le jeu. C’est la raison pour laquelle je ne serais malheureusement pas en mesure de vous parler ici du jeu que j’ai testé durant ces trois jours.

Le principe d’un playtest peut être de différent ordre: terminer le jeu totalement dans son mode solo ou multi ou en coopération dans un temps imparti; explorer un mode en ligne pour vérifier la stabilité des différentes possibilités offertes, etc. De ce fait, il arrive couramment que des playtests se déroulent sur plusieurs jeux différents au cours d’une même journée dans les locaux: par contre, un bêta-testeur ne se verra attribué qu’un seul et unique jeu.

Tu testes ou tu testes pas?

Durant les phases de tests de jeu, chaque coordinateur va encadrer un ou plusieurs bêta-testeurs et noter les différentes actions réalisées. Cela peut porter sur le nombre de fois où vous mourrez par exemple. Régulièrement, entre deux niveaux ou après une période déterminée, le bêta-testeur va devoir réaliser un feed-back oral auprès de son coordinateur attitré: ce dernier lui posera alors différentes questions sur des aspects critiques d’un niveau ou de la séquence de jeu concernée. Par un jeu de question / réponse, le coordinateur tentera d’évaluer si cette séquence nécessite d’être retravaillée ou non à cause de bugs persistants, problèmes de jouabilité ou éléments d’ergonomie manquants au joueur. Il est ainsi étonnant de remarquer que la perception d’un joueur à un autre sur une même séquence de jeu est en générale assez différente, selon que le profil du joueur est plus observateur ou au contraire actif. Ainsi, plus le panel de bêta-testeur est large, plus une séquence de jeu pourra être peaufiné pour se rapprocher d’un résultat satisfaisant.

De ce constat, on comprendra qu’un jeu déficient techniquement aura bénéficié de peu de phases de bêta-test et d’un panel de bêta-testeurs réduits pour des raisons évidentes de temps et surtout de budget. Ainsi, l’éditeur Ubisoft comme tant d’autres éditeurs va plannifier ses budgets consacrés aux phases de tests selon les ambitions en terme de ventes et le prestige du titre. Un blockbuster comme Splinter Cell conviction ou Assassin’s Creed II par exemple va faire l’objet de toutes les attentions en matière de bêta-test afin d’être peaufiner suffisamment pour garantir un standard de qualité au titre, quitte à reculer sa date de sortie. Au contraire, un titre sur DS à petit budget et sans prétention n’aura besoin que de quelques phases de bêta-tests avant de sortir sur les étalages.

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Hésitation: plaisir ou frustration?

Pour en revenir au playtest, il est difficile de se dire qu’on n’est pas là pour terminer un jeu par exemple même si c’est votre objectif. Le but est de tenter de reproduire les aptitudes et réactions d’un joueur lambda face au jeu. Et c’est loin d’être évident: il m’est arrivé d’être bloqué sur des séquences sans trop savoir pourquoi, si c’était de mon fait ou d’un simple bogue de programmation non encore corrigé. A cette frustration, on peut ajouter le fait que d’être constamment suivi par un coordinateur durant des heures et des heures enlève tout le côté intime et expérience que peut vivre un joueur. Bien que les bêta-testeurs présents sont tous des passionnés de jeu vidéo, il est difficile de déterminer si le plaisir du jeu subsiste lorsque l’on joue dans de telles conditions. Pour ma part, ça n’était pas le cas et relevait même du calvaire par moment, d’autant que le fait d’utiliser des versions non définitives de jeu favorise les plantages de machines: il peut ainsi vous arriver de devoir recommencer un niveau quatre à cinq fois d’affilée sans pouvoir le terminer à cause d’un plantage. Autant dire que la crise de nerfs n’est plus très loin dans ces moments là… Une consolation cependant: après trois jours d’efforts, vous vous voyez remettre trois jeux de votre choix issus du catalogue de l’éditeur: un moindre mal en soi 🙂

Au final, j’ai trouvé que tout joueur respectueux devrait connaître une fois dans sa vie l’expérience d’un bêta-test réalisé par soi-même: on se rend alors mieux compte de la somme de travail nécessaire pour la conception d’un jeu et d’avoir ainsi conscience que la somme investie dans un jeu vidéo n’est pas forcément fortuite. Les cas de conscience sur le piratage de jeu vidéo sont en soi légitime car c’est bafouer le travail de toute une équipe de personnes qui auront pour certaines passé des mois voire des années à développer le jeu que vous tenez entre vos mains…

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Si vous souhaitez vous aussi participer à une session de bêta-test chez Gameslab, il vous suffit de vous inscrire à l’adresse suivante: testeurs.fr.ubi.com

Un grand merci à Julien mon coordinateur de chez Gameslab pour sa patience et @Diraen pour toutes ces précieuses infos.

à suivre

Commentaires

7 réponses à “[Reportage] Vis ma vie de bêta-testeur”

  1. Darkscuderia dit :

    Dommage que cela soit si loin, car c’est une expérience a vivre au moins une fois! :he:

  2. Choueps dit :

    Toujours ce petit préjuger que béta ou « béto » testeur est de jouer toute la journée 😉 …bah visiblement non ! Vu ta description, j’ai l’impression que tu as vécu ce que l’on voit dans les reportages d’M6 quand il y a des gouteurs de yaourts avec leur questionnaire et leur interviewveur …DUR DUR 😛
    Merci pour la désiullusion !

  3. cloud80 dit :

    Dommage moi j’habite en picardie dans la somme donc loin de paris, mais j’aurais vraiment aimer faire ce genre de choses, en plus 3 jeux offerts c’est sympa, genre le dernier POP ou autre…
    Ca doit être vraiment une bonne expérience, merci pour ce sujet 😉

  4. Trywan dit :

    @Choueps Y’a un peu de ça effectivement. Après, niveau intérêt, tester un yaourt ou un jeu vidéo, le choix est vite fait 🙂 Le côté le plus sympa, c’est lorsqu’on est concepteu du jeu et qu’on a la chance de voir son jeu édité: c’est toujours gratifiant surtout s’il est plébiscité par le public par la suite.

  5. Kego dit :

    Eh, j’ai vu un hotel Altair aujourd’hui 😀
    S’tait un 1 étoile… ><

  6. Evil Redfield dit :

    Je sors de ma première journée de bêta-test. Tu as très bien détaillé l’ambiance et le déroulement. A vivre au moins une fois

  7. Yann dit :

    Faire du Beta-test en tant que professionnel perd de son cachet, je m’explique : entre tester un jeu pendant 3 jours et tester des jeux 5 jours par semaine toute l’année, il y a une grosse différence.

    Le Beta Testeur pro. a des grilles d’évaluation à remplir et toute une gamme de tests à effectuer : foncer dans le mur ou dans le décor sur tout un volume pour vérifier qu’il n’y ait pas un polygone du joueur qui traverse le mur, tester chaque position dans différents plans, s’assurer qu’une action laisse une trace persistante, etc

    Il y a ensuite beaucoup de reporting à faire.

    Le test unitaire est le plus monotone, et tester l’aspect général d’un jeu (jouabilité, scénario, difficulté…) est souvent le privilège des testeurs seniors.

    Mais bon, il y a beaucoup de petits studios qui n’ont pas les moyens et beta-testent en interne (chaque dev teste sa partie)…

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