# Disparition

Claude Lévi Strauss: Itinéraire d’un enfant visionnaire

Je n’ai pas coutume d’écrire sur des personnalités venant de nous quitter pour la simple et bonne raison qu’il est toujours délicat de rédiger un portrait hommage lorsque l’on connaît peu ou pas son parcours. Mais lorsque j’ai appris sa disparition ce matin en lisant le journal, j’ai senti l’envie de vous parler de cet homme plutôt discret et éloigné des projecteurs qu’est Claude Lévi Strauss. Et voici pourquoi.

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Triste topic

Vous devez trouver étrange de trouver ces quelques lignes dans un blog où les sujets sont habituellement bien moins sérieux, davantage frivoles. C’est vrai et c’est même la raison pour laquelle vous venez lire sur ce blog. J’ai néanmoins la conviction qu’un geek, tout autant passionné qu’il est, est un individu par nature curieux par ce qui l’entoure et pour qui l’ignorance n’a pas de place. Je n’ai pas pour ambition pour autant de vouloir vous assommer sur toute la vie de Claude Lévi Strauss : les médias s’en chargent très bien. Je souhaitais juste vous présenter l’itinéraire d’un homme remarquable par sa vision de la société, fruit de son vécu parmi les différents peuples ethniques qu’il a rencontré durant sa vie que le temps n’aura réussi à rattraper que ce 30 octobre 2009.

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La vie en Strauss

Né le 28 novembre 1908 à Bruxelles de parents français, Claude Lévi Strauss rejoindra Paris afin de poursuivre ses études. Se destinant à une carrière politique, il finit par migrer au Brésil pour enseigner la sociologie à l’Université de Sao Paulo. C’est là bas qu’il trouve sa vocation d’ethnographe lors de ses études sur les peuples ethniques et sur les liens de parenté entre les individus. Il en découlera la rédaction de son ouvrage majeur « Triste Tropiques » en 1955. Je me souviens avoir lu cet ouvrage sur les conseils de mon professeur de sociologie en seconde en guise de référence incontournable sur l’étude des ethnies. Pour être honnête, je n’ai fait que le survoler, le sujet du livre étant bien loin de mes préoccupations principales à l’époque (ah ! l’adolescence !). Pourtant, au-delà du récit de son voyage au pays des indiens du Brésil, le livre de Lévi Strauss se démarquait des autres par sa manière particulière de dépeindre les populations rencontrées sous l’angle des relations entre parents et enfants, entre grands-parents et petit fils ou entre frère et sœur. Un œil nouveau qui fait ressortir les fondements des règles de nos liens familiaux à la base du contrat social. La suite, vous la connaissez : Lévi Strauss fera la rencontre de grands noms comme André Breton avant de se voir récompenser en intégrant l’Académie Française, après le Collège de France. Claude Lévi Strauss accède donc au panthéon des grandes personnalités qui ont influencé leur temps et ils sont rares.

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Un visionnaire immortel s’en est allé

Claude Lévi-Strauss ne faisait pas qu’étudier : il était aussi visionnaire. Tout au long de son existence, ses voyages dans les différents peuples lui ont permis de voir évoluer le monde sur un siècle. Un monde « qui tend à devenir surpeuplé, là même où il ne l’est pas encore ailleurs, parce que la densité même de la population se trouve démultipliée par l’accélération des moyens physiques de communication et des moyens intellectuels de communication» affirme-t-il. Dans un entretien pour l’ORTF (l’Office de Radio et Télévision) en 1972, il dresse déjà ce constat :

«(…) Nous avons tendance à devenir de plus en plus des consommateurs, et des consommateurs boulimiques, des richesses qui nous entourent, qu’il s’agisse des richesses concrètes de l’univers et que nous détruisons en les consommant, ou des richesses intellectuelles que nous absorbons avec une intensité, une rapidité beaucoup plus grandes que nous ne parvenons à les renouveler. »(Extrait: Le Monde)

«(…) Nous nous posons constamment le problème d’établir de meilleurs communications entre les hommes. Peut-être aussi une certaine surdité est-elle féconde du point de vue de la création véritable… Les grandes époques ont été celles où les hommes communiquaient suffisamment pour pouvoir se féconder réciproquement et où, en même temps, la communication se trouvait freinée et ralentie de manière assez substantielle pour qu’ils puissent tirer pleinement profit des avantages de la communication proprement dite. Enfin disons un monde où des Descartes, des Leibniz pouvaient communiquer entre eux, bien sûr, mais où les lettres mettaient plusieurs semaines à parvenir, était un monde peut-être mieux équilibré que celui nous vivons aujourd’hui. » (Extrait: Le Monde)

In His Hands

Ces propos reflètent indubitablement l’état des faits actuels. A l’heure où tout va plus vite, où Internet voit les limites des débits de réseaux s’envoler, que les moyens existants de communiquer entre individus n’ont jamais été aussi nombreux de toute l’histoire de l’Humanité (téléphone, fax, email, messenger,chat, réseau social, blog, micro-blogging, etc.), il est intéressant de constater à quel point nos actions et nos excès de tous les jours peuvent mettre en péril l’héritage déjà fragile que nous laisserons aux générations à venir. L’oubli des valeurs aussi primordiales que sont le « besoin » et la « suffisance » est un réel danger à l’heure où le mot écologie est sur toutes les bouches. C’est comme ça que Mr Lévi-Strauss nous a commencé à raconter ses histoires car c’était sa façon à lui de marquer durablement nos esprits sur les épreuves qui nous attendent: alors merci Claude!

A VOIR: France 5 rend hommage à Claude Lévi-Strauss ce jeudi 5 novembre à 20h30.

à suivre

Commentaires

3 réponses à “[Disparition] Claude Lévi Strauss: Itinéraire d’un enfant visionnaire”

  1. elchikito dit :

    Un grand monsieur, un grand visionnaire…Etre capable d’influencer de la sorte son temps et de prédire avec tant de précisions ce que l’on allait devenir devrai nous faire réfléchir…
    Vaya con Dios Claudio

  2. zepit dit :

    Arf, je croyais que c’était le gars des jeans…OK, je sors ➡

  3. norz dit :

    @ zepit:
    -1

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